• Le semainier de la reprise

    Lundi. Je me suis connectée de bonne heure le matin, pour aider Théo sur le fichier des opérations du week-end. Que je l'aide à progresser me permet d'avoir le sentiment d'une relation - de travail - plus équilibrée : il me montre comment on bosse depuis la réorganisation, mais je peux encore lui apporter une certaine expérience du travail. Visite chez la psy "je vous trouve un peu anxieuse..." Ah ben quand même ! ça fait des années que je lui dis que je souffre d'un trouble anxieux qui s'accroît et voilà qu'elle en prend enfin conscience ! Comme quoi il ne faut jamais désespérer de rien, même les psys peuvent s'améliorer !

    Mardi. La reprise donc, reprise aussi de ma routine quotidienne, les étirements au lever pour réveiller les articulations et le cerveau aussi, le quart d'heure de marche autour du quartier avant d'attaquer le télétravail et l'heure de marche après la journée de boulot. De nouveau plus le temps de flemmarder, ne pas regarder le smartphone, ne pas faire - à notre grand désespoir mutuel - le câlin du matin à Loukoum. Je termine la journée crevée d'avoir dû me concentrer plusieurs heures durant, j'avais oublié ce que c'était.

    Mercredi. Ca fait du bien de retrouver le chemin du bureau. Avec la réorganisation de l'équipe, je m'installe avec Théo et Chloé. Et, accessoirement, avec Bernard qui ne sait pas vivre sans Chloé et donc prend toujours la place qui est en face d'elle, même s'il est censé travailler dans son équipe au rez-de-chaussée. Ca me fascine toujours, ces couples qui vivent collés comme ça H24, je me demande toujours ce qu'ils peuvent bien avoir encore à se raconter le soir quand ils rentrent chez eux... Bref, je quitte le second étage pour rejoindre le premier, il faut donc que je trouve un casier libre au premier étage et que j'y installe mes affaires qui étaient dans celui du second. Huit mois plus tard j'avais oublié ce que j'avais dans mon casier, je l'ouvre, j'y trouve six ou sept paquets de tisanes, deux vieux cahiers de notes prises lors d'un précédent changement de process, une boîte plastique avec des post-it, des stylos, un mug et une tasse à café, bref un petit bordel (les casiers ne sont pas bien grands) qui ne me sert plus parce que ces dernières années nos modes de travail ont bien changés. Je vais garder le mug "I love NYC", cadeau de Monsieur Mon Cadet lorsque nous sommes allés à New-York pour ses vingt ans, mais je vais virer le reste. Comme tout le monde d'ailleurs. Nous nous sommes petit à petit habitués à travailler avec de moins en moins d'affaires et je suis une des dernières (un dinosaure !) à ne pas arriver à lâcher papier et stylo pour prendre quelques notes quand je travaille. Le casier c'est désormais essentiellement pour le sac à main pour les filles, et le casque de moto pour les garçons. Oui nous sommes encore très genrés. Je termine la journée crevée, mais cette fois ci autant par le travail que par le bruit environnant, j'avais oublié ce que c'était que d'avoir autour de soi plein de gens qui passent leur journée à parler dans un casque (le téléphone ça n'existe plus, on utilise Teams) et souvent plutôt fort.

    Jeudi. Deuxième jour de la semaine sur site. J'ai expliqué à Théo que si on n'a pas vraiment d'horaires imposés, on s'arrange pour que l'un de nous arrive si possible un peu avant 9 h 00 (il ne se passe pas grand chose avant, surtout quand on bosse essentiellement avec des parisiens) et qu'un autre reste connecté jusqu'à 18 h 00, parce que les chefs se réveillent toujours plutôt l'après-midi. Du coup, je m'organise, les jours où je suis au bureau, pour quitter celui-ci vers 16 h 45 afin d'éviter les bouchons. Si je pars à 16 h 45 au plus tard, je mets vingt minutes pour rentrer chez moi et le temps de relancer le pc je suis de nouveau connectée à 17 h 15 et je reste à proximité du pc jusqu'à 18 h 00. Alors que si je pars à 17 h 00 je mets 3/4 d'heure minimum à rentrer chez moi... Et bien jeudi j'ai bien fait, parce que vers 17 h 45 ma manager m'a appelée - et Théo et Chen n'étaient plus là - pour me parler d'un incident de production survenu le matin même et pour lequel elle m'a demandé des explications. Je m'en suis plutôt bien sortie - elle est un peu sèche et je perds souvent mes moyens face à elle - et j'étais plutôt contente d'avoir bien analysé le problème. 

    Petit aparté : tu vois la panne d'une certaine banque française et de Facebook cette semaine ? Mon boulot consiste précisément à éviter ce genre de choses. Notre équipe est chargée de vérifier que les opérations faites sur le système informatique de la Big Bank soient sous contrôle et leur impact maîtrisé. Du coup, quand quelque chose foire, c'est souvent à nous qu'on demande des comptes en premier. Et c'est pas vraiment confortable.

    En attendant les journées sont très chargées, et Théo et moi avons eu du mal à trouver un créneau pour planifier et réserver train/hôtel pour notre déplacement à Paris de mi-avril, et à deux jours près nous n'avons pas réussi à être dans le même hôtel que Chloé et Bernard, en plein Paris. Nous nous sommes rabattus sur l'hôtel où je vais habituellement, à Vincennes. C'est dommage j'aurais apprécié de goûter un peu l'air de la capitale cette fois-ci. Cela va devenir de plus en plus rare, je n'ai plus envie de stresser à chaque fois que je dois aller y travailler. 

    J'ai terminé ma mini-semaine de travail crevée mais plutôt contente parce qu'au final ça s'est mieux passé que ce que je craignais. Certes il faut que je reparte presque de zéro, mais pour une fois j'assimile un peu mieux, plus rapidement et plus facilement, les explications que me donne Théo et je me sens moins stressée aussi. Théo est un garçon qui a de bonnes ondes (oui je sais, ça fait un peu ésotérisme à deux balles mais j'ai pu constater qu'il y a des gens qui émettent des ondes désagréables et qui te stressent et d'autres qui dégagent une sérénité communicative et avec qui il est agréable de travailler. Cyrille, dont je parle de temps en temps, est de ceux-là) et je me sens à l'aise avec lui. Cyrille, justement, le retour sur site est l'occasion de renouer avec les déjeuners pris avec les collègues proches ou lointains, et j'ai donc déjeuné avec lui et Cléante, cela m'a fait plaisir. Ils viennent de me rejoindre dans la filiale informatique de la Big Bank, un changement d'organisation pour eux aussi, le sujet d'une longue discussion sur les avantages et inconvénients de ce changement.

    Vendredi. Matinée tranquille, j'ai pu dormir deux heures de plus que les jours où je travaille et ce sont les deux heures qui me manquent toujours pour être reposée. Ce sont aussi deux heures où je rêve beaucoup. Cette nuit, de mes parents. Prendre mon petit déjeuner tranquillement, prendre le temps de faire le câlin du matin à Loukoum, aller faire mes courses hebdomadaires tranquillement. Pas de doute, trois jours de week-end ça change tout et j'espère que ça va durer le plus longtemps possible. Ce vendredi non travaillé c'est aussi l'occasion de poursuivre la réflexion entamée ces derniers jours : que mettre en place pour retrouver l'équilibre que j'avais trouvé lorsque la crise du covid a tout bouleversé ? Ma vie s'en est trouvée chamboulée dans ses moindres détails - j'ai changé de boulot, j'ai changé d'appart, la salle de sport a fermé, la prof de yoga a changé de studio, je ne fais plus mes courses pareil, je ne mange plus pareil, et j'ai perdu mes parents... Je ne me demande pas d'où vient la dépression que je viens de vivre. Retrouver des repères, donc, des rituels, des façons de vivre désormais différemment. 

    Dernière visite chez le médecin de la clinique de jour cet après-midi, pour fermer le dossier. C'est rigolo, il m'a dit exactement la même chose à propos de retrouver un équilibre dans l'organisation de ma vie. Et puis on était contents tous les deux que j'ai quitté la clinique puisque je vais bien mieux. Je l'ai chaleureusement remercié, je ne m'en serais pas sortie s'il n'y avait pas eu cette hospitalisation. Il a plaisanté une dernière fois sur mon béguin pour Jean-Matthieu - je lui en avais parlé - et puis nous nous sommes dit non pas au revoir parce qu'on espère bien ne pas se revoir ! 


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