• La cage aux fous

    Je ne me souviens plus trop de ce que j'en ai dit précédemment, en tout cas j'avais rendez-vous avec une association dans le cadre de ma recherche de mission de bénévolat. Une asso caritative catholique, qui accueille, la journée, des "bénéficiaires", un public de SDF, de femmes isolées, pour un café, une douche, une orientation vers une assistante sociale ou autre chose... J'ai vu les locaux de l'association la semaine dernière, les responsables et bénévoles tous très gentils, les locaux tout propres. Mais c'était un jour de fermeture, alors ce qu'on m'avait dit, c'était surtout la théorie. J'y suis donc retournée aujourd'hui pour une journée d'"immersion" dans la vraie vie de l'association.

    Alors... les portes sont encore fermées que les gens s'entassent derrière. Les portes à peine ouvertes c'est la ruée, ils connaissent tous les lieux alors la plupart va vers l'espace café et pour réclamer* du café, et les autres se pressent au comptoir de l'accueil pour s'inscrire pour la douche, ou la laverie, ou autre chose encore. (*parce qu'ils réclament. Voire exigent. Et en plus deviennent vite agressifs si ça ne va pas assez vite à leur goût).

    Déjà, les canaliser. Ensuite, les calmer et leur expliquer que c'est chacun son tour, alors même qu'ils le savent bien. Ensuite encore, essayer de les comprendre. Il faut avoir une certaine habitude. Etre rapide à remplir les fiches car tout bénéficiaire doit faire l'objet d'une fiche de suivi, quoiqu'il demande, car il s'agit d'une association et elle doit rendre des comptes aux donateurs. C'est normal. Etre rapide parce qu'encore une fois, ce sont des gens qui vivent dans l'immédiateté et ne supportent pas qu'on leur dise non. Je pense que c'est un peu normal, ils sont par ailleurs confrontés à tant de refus.

    Alors... les "bénéficiaires"... Ma psy m'avait prévenue, pour avoir quelques années d'expérience en hôpital psychiatrique... La grande majorité des SDF souffre de troubles psychiques. Et quand tu en croises un qui a l'air normal... ça déraille dès la deuxième phrase, en fait il ou elle est aussi fou que les autres. Une gentille petite vieille à l'air tout à fait normal "ah ça fait du bien de prendre une douche ! mais je me méfie : la dernière fois ils m'ont droguée à la méthadone..."...

    Alors on t'explique qu'il y a des règles : ne jamais s'approcher trop d'eux, ne jamais s'interposer en cas d'affrontement, faire attention qu'il n'y ait jamais de "bénéficiaire" derrière le comptoir de l'accueil... On t'apprend qu'ils sont vite agressifs dès que la température extérieure monte un peu, et tu comprends vite qu'à la fermeture des portes en fin d'après-midi ça peut vite mal tourner puisqu'ils... ne veulent pas partir. Normal, pour eux ça veut dire retourner dans la rue. Tu comprends vite également qu'il faut leur parler trèèèès gentiment, surtout pas brusquement, ne pas insister s'ils ne veulent pas te donner leur nom - mais essayer tout de même de l'obtenir - et qu'il faut se méfier des habitués... devenus un peu trop habitués et pensant donc que les règles ne sont pas pour eux.

    Et puis il y a tous les étrangers, souvent déjà agressifs (culturellement et/ou du fait de leur situation d'immigrés) surtout envers les femmes, très revendicatifs, qu'il faut arriver à comprendre selon leur niveau de français, et qui sont souvent eux aussi atteints de troubles psy.

    J'imagine que ça aussi c'est normal, vivre dans la rue doit vite te faire tomber dans la folie.

    Bref. Une nana était en plein pétage de plomb, qui se promenait de surcroit avec une bouteille de whisky dans ses affaires, et avait un couteau dans sa poche comme nous l'a dit un autre SDF. Ceci dit à mon avis ils en ont tous au moins un. Une habituée des lieux, un jour normal pour les bénévoles. Elle voulait prendre une douche, elle a passé l'après-midi à gueuler et s'agiter dans tous les sens. Parce que les gens, pour la plupart, restent là toute l'après-midi. Encore une fois, ça peut se comprendre, ils sont entourés, pris en charge, c'est bien mieux que la rue.

    Alors... le boulot est sympa parce que c'est un travail d''équipe et que tous les bénévoles sont sympas, chacun est autonome et il n'y a pas de pression hiérarchique... mais est-ce bien raisonnable d'aller bosser trois ans - trois ans ! avec des fous potentiellement dangereux ? J'aurais pas dit non pour une mission de six mois, et j'avoue que j'hésite encore parce que malgré tout j'ai trouvé ça sympa,  mais il faut que j'apprenne à écouter les conseils de mon entourage. Mon fils cadet, à qui j'en ai parlé, m'en a dissuadée, ma psy aussi et je ne doute pas qu'Isabelle, lorsqu'elle lira ce post (coucou Isabelle) dira la même chose (et tu as raison).

    Bon, me trouver une autre mission. Et tout aussi difficile : décliner poliment mais fermement cette mission quelque peu anxiogène, tout de même. (Encore que, j'avoue, j'hésite encore un peu).

    En tout cas je t'assure, se trouver avec autant de gens gravement perturbés autour de soi, c'est... perturbant. Et ça fait froid dans le dos de savoir qu'ils se baladent en liberté.

    La petite anecdote marrante - parce qu'il y en a toujours une - les bénévoles dans une asso catho, c'est plutôt du bon niveau social tu t'en doutes. Une des bénévoles, précédemment directrice de l'asso, Marie-Gertrude ou qq chose comme ça, est très chic et en dépit du lieu porte une jolie robe. Une des SDF l'interpelle "Eh ! tu sais que chez Lidl ils vendent la même ?!"... Tu vois, c'est flippant mais ça peut être drôle aussi.


  • Commentaires

    1
    Chantal
    Mercredi 17 Juillet à 09:24

    Quelques heures par semaine, je suis bénévole dans une association dont les locaux ne sont pas tout propres et les bénéficiaires rares (je l'espère au moins) se présentant avec de l'alcool et un couteau :(

    Pour certains des services proposés, nous recevons sur rendez-vous et avons probablement affaire à des personnes en meilleure (ou moins mauvaise) santé mentale. Et puis, elles ne sont pas censées passer l'après-midi dans nos locaux, elles viennent pour être aidées dans des domaines particuliers. Je suis sûre que vie à la rue et/ou la -grande- précarité ne peuvent qu'empirer la santé, physique et mentale. N'être jamais en repos, donc toujours aux aguets, sur ses gardes, trouver où se poser, dormir, se laver, aller aux toilettes, se nourrir... J'ai bien du mal à imaginer. 

    Comme votre fils cadet, votre psy, Isabelle, je ne crois pas que cette mission de bénévolat soit adaptée à votre état de santé. C'est un engagement exigeant qui ne s'arrête pas lorsque vous -et les responsables et bénévoles- fermez la porte après avoir mis dehors les personnes qui resteraient bien à l'intérieur. Passer trois jours par semaine dans cette ambiance, ces difficultés n'est pas rien et il faut avoir le coeur bien accroché pour tenir le coup.

    Je souhaite que vous trouviez sans tarder l'endroit vous convenant le mieux pour exercer vos talents peut-être encore inconnus.

    Bonne journée.

      • Mercredi 17 Juillet à 19:38

        Merci Chantal pour cet avis éclairé :-) Je retourne la semaine prochaine à l'association faire une nouvelle demi-journée d'observation. Car malgré tout la mission m'intéresse, pour diverses raisons. Il me reste 3 ans à faire avant la retraite, me lancer sur une mission qui me demanderait l'effort de devoir apprendre une nouvelle fois un métier, alors que je depuis un an je suis un peu déconnectée du monde du travail... La mission qui m'est proposée me permet d'être autonome dans le poste, sans pression hiérarchique, et pourrait évoluer tout au long des 3 ans à l'occasion de départ de certains bénévoles qui font des tâches plus administratives.

        Quoiqu'il en soit je dois échanger prochainement avec la RH à ce sujet.

    2
    Vendredi 19 Juillet à 14:43

    La femme que j'aime 4 - 5 ans avant la retraite n'en pouvait plus (instit' depuis l'âge de 18 ans...) elle a demandé un congé formation qu'elle a obtenu (une année lycée pro en alternance avec un contrat d'apprentissage chez une fleuriste et un CAP obtenu, je peux te dire que le changement a été rude mais salutaire après cette année d'apprentissage elle est repartie sagement dans l'éduc nat' et re-changement de rythme... il fallait voir la tronche des collègues !!

     

    Bleck

      • Vendredi 19 Juillet à 15:45

        Tiens, je viens justement de lire un article dans la revue Sciences Humaines sur le sujet des adultes qui reprennent leurs études. Je l'avais moi-même tenté il y a une dizaine d'années, j'ai renoncé en cours d'expérience mais j'en garde un bon souvenir. Je suis persuadée que tout salarié devrait avoir droit à une pause, payée, de six mois voire un an, une fois tous les dix ans, pour aller respirer ailleurs, faire d'autres expériences professionnelles, de l'auto-entreprenariat, garder ses enfants, que sais-je... Le congé sabbatique payé, ça ouvrirait bien des possibles.

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