• - Sans titre -

    Pas de titre, je ne vois pas lequel je pourrais mettre. Je suis allée faire un tour de vélo, hier soir, pour profiter d'une des dernières fin d'après-midi ensoleillées. J'ai pris la piste cyclable habituelle, celle qui permet de parcourir plusieurs kilomètres à travers la commune où je vis, le long d'une "coulée verte" de bois que connaissent bien désormais joggeurs, cyclistes, et mamans avec poussettes. A certains moments, la piste est toutefois assez déserte. Il y a un très beau tronçon de cette voie, qui passe entre fougères, chènes, pins, magnifique en ce moment où les feuilles jaunissantes tombent sur la piste. Mais c'est un tronçon terriblement désert, bien qu'entre deux routes. Que m'arriverait-il, si, comme cette jeune femme tuée cette semaine alors qu'elle faisait son jogging habituel, je croisais la route d'un type... comment le qualifier ? tordu, mal-intentionné, psychotique ?... On parle de pulsion. Je n'aime pas ce terme, trop psychiatriquement déculpabilisant à mon goût. Un type qui s'empare d'une femme, l'attache et prend le temps de retourner chez lui changer de véhicule pour revenir vers cette femme ensuite, ce n'est pas un homme victime d'une pulsion.

    Victime moi-même d'une agression lorsque j'étais enfant, en plein jour, en plein soleil, sur une route tranquille d'une petite ville provinciale, j'estime m'en être "bien sortie". J'ai réussi à faire fuir mon agresseur. Le "bien sortie" voulant dire que je n'ai pas été violée, et que je vis "juste" avec un sentiment d'anxiété et de vulnérabilité permanent. Je me suis aperçue il y a peu que, contrairement à ce que j'ai pensé pendant longtemps, je n'ai rien oublié de cette agression, je veux dire par là que les moindres détails sont toujours là, bien gravés dans ma mémoire. Je continue à faire du vélo, et me fais de belles frayeurs, comme hier soir, à chaque fois que je me retrouve seule en plein bois, à deux pas, pourtant, de lotissements et de routes fréquentées. Dois-je arrêter de faire du vélo ? Faire du vélo, seule : est-ce qu'on me reprocherait d'accroître un risque d'agression ? Je me pose aujourd'hui la question. Longtemps j'ai pensé que continuer à faire du vélo, malgré ma peur, c'était me montrer plus forte que ma peur, justement, plus forte que le traumatisme de l'agression. Je ne sais plus.

    Je n'ai pas voulu, à l'époque, porter plainte. A l'époque, on ne parlait pas de ces choses là, photo et calvaire des victimes ne s'étalaient pas en première page, et je pense du reste que cet anonymat permettait aux victimes et à leur famille un relatif oubli certainement bienvenu. Mais je regrette, aujourd'hui, de ne pas avoir porté plainte : je n'en n'avais pas conscience à ce moment là - d'ailleurs il faut le dire, je ne savais pas à quoi j'avais échappé, je savais juste que le "monsieur" croisé ce jour là me voulait du mal - mais ce type là n'en n'était peut-être pas à sa première fois. Peut-être un témoignage de ma part aurait-il permis d'éviter d'autres agressions ultérieures. Je le regrette en temps que femme ; en tant qu'enfant j'ai apprécié le silence que ma mère fit autour de cette histoire et qui me permit de l'oublier quelques années. Amnésie temporaire - le souvenir m'en est revenu lorsque j'ai commencé à avoir une vie sexuelle.

    Prison, peine de mort, castration chimique... je n'ai, en dépit de mon expérience, aucune opinion sur le sujet - pire : j'ai l'impression qu'il n'y a pas de solution, ou plutôt je pense que la solution doit venir avant l'agression : de l'éducation, du contrôle que chacun doit avoir de lui-même. Une visite d'une maison d'arrêt, il y a quelques années, m'a montré à quel point le système pénitenciaire actuel est défaillant dans son rôle de réahabilitation du condamné, quand à la peine de mort elle me parait aussi barbare que les crimes commis, ce qui, paradoxalement, me la rend d'autant plus condamnable. Pourtant, que ce type vive ou pas, finalement, cela ne m'importe pas. Je me dis souvent que, si j'étais de nouveau agressée, j'aimerais avoir la force de faire face à l'agresseur, et, surtout, avoir la force physique nécessaire pour le tuer. Car oui, ce serait lui - ou moi.

    Je devrais arrêter de faire du vélo. Je ne m'y résous pas. Je fais du vélo sur des pistes prévues pour celà, dans des zones urbaines. Arrêter de faire du vélo signifierait, pour moi, abdiquer devant ces types qui, parce qu'ils sont pourvus d'une bite et de deux couilles, pensent qu'ils peuvent disposer librement de la femme ou de l'enfant qui croise leur chemin, un jour. Je ne m'y résous pas.

    J'ai infiniment de peine pour cette femme dont les dernières heures, alors qu'elle faisait tout son possible pour essayer d'échapper à son agresseur, pensant même y être arrivée, auront été particulièrement affreuses.


  • Commentaires

    1
    Fab
    Samedi 3 Octobre 2009 à 02:04
    Je songeais à un truc plus visible et donc dissuasif, style batte de base-ball ;-)

    Merci :-D
    2
    Feuilles_d_Acanthe Profil de Feuilles_d_Acanthe
    Lundi 5 Octobre 2009 à 19:32
    Je songeais à un truc plus visible et donc dissuasif, style batte de base-ball ;-)

    Merci :-D
    3
    Fab
    Mardi 6 Octobre 2009 à 00:53
    Ah ah ah !

    Une kalachnikov en bandouillère, ça peut aussi faire son effet ! ;-)
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