• P*****, là t'as déconné grave

    Comme je m'apprêtais à me coucher, crevée, à onze heures hier soir, la musique a commencé. Du "boum boum boum boum" bien grave, qui traverse bien les murs et les sols, qui vibre bien dans les meubles, et le lit en particulier, un "boum boum boum boum" auquel on n'échappe pas, qui empêche de se concentrer pour lire, de trouver l'abandon propice au sommeil et, pour le coup, assez fort pour couvrir la télé : bref, aucune échappatoire possible.

    Les basses de la musique au plus haut, des rires, des cris, bref une soirée de "djeuns" qq part dans l'immeuble, vraisemblablement dans l'appartement en dessous du mien.

    Je me suis tout de même couchée, essayé de trouver le sommeil, peine perdue. Enervée je me suis levée à 1 h 30, ai enfilé un jean et un pull, et suis allée sonner à l'étage en dessous, une gamine m'a ouvert et j'ai lâché "merci de baisser la musique" d'un ton très énervé.

    Me suis re-deshabillée, et re-tenter de trouver le sommeil. Trois quart d'heure plus tard, je ne voyais pas de mieux, toujours du bruit, de la musique, des cris - les djeuns ne savent pas faire la fête sans gueuler. Me suis rhabillée, suis redescendue sonner, suis tombée sur une autre gamine "qu'est-ce que vous n'avez pas compris dans "baissez la musique" ?" Regard désagréable de la gamine, porte limite claquée derrière moi.

    A quatre heures du matin je n'avais pas réussi à dormir une seule minute, mon état de stress était au plus haut, mal au ventre d'énervement et rythme cardiaque au plus haut, et je le dis tel quel : j'avais des envies de meurtre.

    Me suis re-re-rhabillée, suis re-re-descendue. J'ai balancé un coup de poing dans la porte, écrasé la sonnette jusqu'à ce que la porte s'ouvre, la première gamine a ouvert, j'ai poussé la porte violemment et suis rentrée dans l'appartement "il est quatre heures du mat', mon réveil sonne dans trois heures et je voudrais dormir !" Alerté par ma voix des gamins se sont radinée, la deuxième gamine, un grand black - oh putain l'armoire - et un mec un poil agressif, un joint en cours de confection dans la main. J'ai répété la même phrase en boucle, les gamins ont levé la voix en disant que je n'avais pas à pénétrer de cette façon dans l'appartement, et la deuxième gamine m'a jeté un coup d'oeil méchant...

    et c'est là que tout à dérapé, j'ai attrapé la gamine par les cheveux, le black s'est interposé et m'a fait lâcher la gamine, et celle-ci a peine libérer m'a sauté dessus en me propulsant dans l'entrée, coincée contre le mur. C'est là que je me suis dit "putain, là t'as déconné grave", et quand la gamine m'a foncé dessus en hurlant qu'elle avais plus de force que moi je me suis dit qu'elle avait raison et je me suis dit qu'elle allait me tabasser. Je me voyais déjà aux urgences. Le grand black s'est de nouveau interposé, retenant la gamine, et c'est parti en grande engueulade. La première gamine a essayé de calmer tout le monde, le gamin au joint me gueulait après que c'était pas des manières de faire.... les gamins m'ont repoussé vers mon escalier, que j'ai remonté en leur gueulant d'éteindre la musique et en leur promettant de régler ça avec les parents.

    Musique qui n'a été éteinte qu'à six heures ce matin.

    Je suis rentrée dans mon appartement, sous le choc de ce déchainement de violence, la mienne et celle de la gamine, persuadée qu'ils allaient monter me faire la peau. Je me suis recouchée toute habillée, en laissant la lumière allumée. Les chattes, perturbées par le vacarme et mon état, se sont collées à moi.

    Je me suis levée à 7 heures, je n'avais toujours pas dormi, le stress m'ayant de surcroît rendue malade.

    Et comment on en sort, de cette impasse ?

    Je me suis vite rendue compte que ce serait forcément par le dialogue, avec les parents, avec les gamines ci-besoin.

    Je suis descendue en fin de matinée, ai sonné à l'appartement du dessous, la première gamine m'a ouvert, j'ai juste demandé, poliment et après avoir dit bonjour, si ses parents (absents la nuit dernière) étaient rentrés, la réponse à été négative, la gamine avait l'air pas bien, je ne me suis pas attardée.

    Comme j'émergeais de la sieste - j'ai enfin réussi à trouver le sommeil cet après-midi - on a frappé à la porte et c'était la mère de la gamine. J'ai appris qu'elle vit seule, que les deux gamines ne sont pas soeurs comme je le croyais, que seule la première gamine est sa fille, et que celle-ci vit maintenant avec sa mère suite à une rupture. Bref, j'ai accueilli la mère en la remerciant d'être venue et en l'assurant que j'avais de toute façon la volonté d'aller la voir et nous avons discuté sur ce qui s'était passé, et je lui ai expliqué mon point de vue. J'ai reconnu que je m'étais comportée de façon inappropriée, mais qu'on ne gère pas toujours ses réactions quand on se prend du boum boum boum dans les oreilles pendant plusieurs heures d'affilée. Elle a compris, et l'échange a été constructif. Je lui ai dit aussi que j'aimerai aborder le sujet avec les deux demoiselles, car il me paraissait important de leur exprimer mon point de vue.

    Agacement quand à la fin de l'entretien elle m'a annoncé que les gamins comptaient fêter la saint-sylvestre dans l'appartement, que c'était prévu et qu'il valait mieux que je m'organise pour ne pas être là si le bruit me dérange....

    Comme je m'apprêtais à sortir, quelques minutes plus tard, les gamines sont venues sonner à ma porte, et je les ai accueilli avec amabilité. Nous avons beaucoup parlé sur ce qui s'était passé, le problème du bruit qui monte dans mon appartement, la violence qui entraîne la violence, etc. Je me suis excusée auprès de la deuxième gamine de lui avoir tiré les cheveux, en lui expliquant qu'à ce stade là de manque de sommeil et d'intolérance au bruit je n'étais plus en état de garder le contrôle de mes actes. Elle m'a assuré que de son côté si elle m'avait bien poussé elle n'avait pas pour autant l'intention de porter la main sur moi.

    Bref, nous nous sommes quittées en bons termes et j'ai été très soulagée d'avoir pu sortir de là de cette façon.

     

    Pour autant je suis très très mal, amère, extrêmement déçue de m'être laissée aller à la violence, de ne pas m'être maîtrisée.

    Après l'échange avec les gamines, je suis partie, à pied, à Pessac centre voir mon oncle et ma tante, mon oncle est sorti de la maison de retraite et je n'étais pas allé le voir depuis. L'aller-retour m'a permis de réfléchir à ce qui s'était passé.

    Ma violence, je la connais, je sais d'où ça vient, d'une agression vécue enfant, elle est en moi, tapie et maitrisée, sauf quand je dérape. Ca m'arrive très rarement, mais je sais que je suis potentiellement incontrôlable et dangereuse. Ca ne me plait pas.

    Le problème, c'est surtout que je n'ai pas géré mes relations avec les gamins. J'ai été désagréable dès le départ, alors qu'il m'aurait fallu être plus calme, et leur expliquer que le bruit me dérangeait - car ça, ils n'en n'avait pas vraiment confiance. Pourquoi n'ai-je pas agi ainsi, alors qu'en ce moment je passe mon temps à parler aux gens (Corentin, John, mes parents) pour gérer les problèmes rencontrés ? Peut-être que c'est ça, le problème. Je n'ai pas "géré" la situation. Mais peut-être bien que je "gère" trop de choses, que je veux trop agir là où je devrais peut-être me contenter de prendre de la distance.

    En rentrant de chez mon oncle et ma tante, je me suis arrêtée à l'église, comme à chaque fois que je le peux, pour une petite prière. Dans l'entrée, il y avait une affiche reprenant une des phrases des béatitudes : "Heureux les doux". Oui, voilà c'est ça.

    Bon, voilà, beaucoup d'amertume ce soir, je n'aime pas me déplaire à moi-même, devoir accepter le fait que j'ai merdé. Mon estime de moi, pas toujours au plus haut, en prend un coup.

    La leçon à tirer de tout cela, c'est que je ne cesserai jamais, tout au long de ma vie, de me remettre en question, et c'est douloureux. L'autre leçon, c'est que depuis des semaines que je suis sous tension, si j'avais eu la sagesse d'aller demander un petit arrêt de travail au lieu de vouloir tenir à tout prix, pour tout "gérer", j'aurais certainement mieux réagi cette nuit, avec plus de raison et moins de réaction épidermique.


  • Commentaires

    1
    Bleck
    Dimanche 17 Décembre 2017 à 09:46

    J'ai lu puis relu avec attention. Je retiens trois choses, tu as déconné, tu ne peux pas tenir à tout prix et tout gérer... personne ne le peut, en-fin il y a eu dialogue.

     

    Je te souhaite de la distance, du confort et de la douceur. Bleck

     

     

     

     

    2
    Chantal
    Dimanche 17 Décembre 2017 à 09:49

    Cette histoire m'a touchée, elle montre comment une situation peut facilement déraper et on peut se retrouver blessée, dans de graves ennuis, ou les deux à la fois.  

    Je vous trouve dure :

    Oui, lorsque vous êtes allée sonner la première fois, vous auriez dû parler aimablement, si possible avec humour... peut-être auriez-vous été écoutée, entendue et les choses en seraient restées là.

    Non, suite à l'épisode violent, vous n'avez pas cherché à lui trouver des justifications et à continuer de la même manière. Vous vous êtes reprise, avez cherché comment calmer le jeu, en sortir par le haut et avez décidé de parler avec les parents -la mère- et les jeunes filles. Je pense que vous avez très bien fait d'arrêter la spirale de la violence, de reconnaître vos propres torts, de discuter. Ce n'est pas donné à tout le monde de se comporter de manière responsable. Félicitations.

    Ensuite, il ne faut pas oublier que ces jeunes -ou leurs parents laissant l'appartement- étaient en tort de faire tant de bruit vous empêchant de vivre normalement, en l'occurrence de dormir. La fatigue, le manque de sommeil, l'impression que les autres se fichent de nous et de notre besoin de tranquillité peuvent pousser à bout.

    Alors que j'étais dans le tram, à deux reprises hier, je me suis sentie bouillir dans des proportions surprenantes : une fois alors que je me trouvais près de deux jeunes et grands gars faisant profiter les voyageurs -pas l'ensemble des rames quand même- de leur musique parce qu'un des deux avait à la main une sorte de radio ; et l'autre fois, en remontant les couloirs, je trouve deux jeunes gars -encore- avec les pieds chaussés sur les fauteuils. Les deux fois, j'ai eu envie de dire quelque chose et ne l'ai pas fait, j'ai craint mon énervement pouvant m'amener à dire des choses bêtes et méchantes et je n'ai pas envie d'être ainsi. Je n'étais pas très fière des pensées qui m'ont traversée. 

    Passez un bon dimanche. 

     

     

      • Dimanche 17 Décembre 2017 à 18:02

        Merci Chantal pour ces mots de réconfort, j'espère que votre dimanche à vous aussi a été bon.

    3
    Dimanche 17 Décembre 2017 à 19:27

    Ce genre de situation, c'est l'enfer. Surtout avec les jeunes pour qui, pour la plupart, nous prennent pour des vieux donc forcément des vieux cons. Bon je pense qu'à leur âge on faisait peut-être de même.

    Moi j'ai ce problème au volant. Il y a peu j'ai failli me battre avec un routier qui trouvait que je n'allais pas vite. Et à chaque fois je me dis la même chose: à quoi réagir.

    Ou alors avec humour mais mes réparties désopilantes arrivent toujours, comme la cavalerie, trop tard !

    J'espére que vous avez pu profiter de la nuit de samedi et du dimanche qui suivait. Moi, j'ai réussi à le lever tôt et aller faire le marché.

    C'est chouette, en plus il y avait des bigorneaux...

      • Bleck
        Dimanche 17 Décembre 2017 à 22:50

        Le coup des bigornaux, c'est grand... très grand !

         

        Bleck

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    4
    Bleu
    Dimanche 17 Décembre 2017 à 21:19

    Tu peux te lamenter tant que tu veux sur ce qui est arrivé, sur comment ça n'aurait pas du arriver, et sur ce que tu aurais du faire, c'est arrivé.

    Ce qu'il y a à faire maintenant, et tu le fais justement, c'est comprendre ce qui s'est mal passé, pourquoi ça s'est passé, et comment faire pour que ça n'arrive plus.

    Tu ne pourras pas changer ces événements, alors autant les accepter en tant que tel, non pas comme une erreur, mais comme une expérience qui t'apprend des choses.

    C'est comme ça que tu progresses.

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