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Le vent nous emportera, le vent nous emportera.
Il faisait si chaud, en cette fin de juillet, dans un Bordeaux aux rues blanchies par le soleil, que nous avions trouvé refuge au cinéma. Tu m'avais emmenée au Jean-Vigo ; "deux places" avais-tu demandé au caissier, "ici, pas la peine de préciser le film, il n'y a qu'une salle" m'avais-tu expliqué en riant. Nous nous étions installés au balcon, bien sûr, et nous nous étions enfoncés dans les fauteuils de velours rouge d'un autre âge.
Nous étions seuls dans la salle.
Sur l'écran, le film - Kiarostami - déroulait une atmosphère étrange de collines ocres et de personnages taiseux, éclairant les longues tentures cramoisies encadrant l'écran. De la poussière volait dans l'air.
Le temps d'un regard tourné vers moi, je distinguai l'éclat de ton sourire.
Et puis, plus tard, ce poème...
Si tu viens chez moi, o bien-aimé
apporte-moi la lampe et une fenêtre
à travers laquelle j'observerai la foule de la rue heureuse.
Dans ma nuit si brève hélas, le vent a rendez-vous avec les feuilles.
Ma nuit si brève est remplie de l'angoisse dévastatrice
Ecoute ! Entends-tu le souffle des ténèbres ?
De ce bonheur, je me sens étrangère.
Au désespoir je suis accoutumée.
Ecoute ! Entends-tu le souffle des ténèbres ?
Là dans la nuit, quelque chose se passe.
La lune est rouge et angoissée.
Et accrochés à ce toit
qui risque de s'effondrer à tout moment,
les nuages, comme une foule de pleureuses,
attendent l'accouchement de la pluie.
Un instant, et puis rien.
Derrière cette fenêtre
C'est la nuit qui tremble.
Et c'est la terre qui s'arrête de tourner.
Derrière cette fenêtre,
un inconnu s'inquiète pour toi et pour moi.
Toi, tout verdoyant pose tes mains
-ces souvenirs ardents-
sur mes mains amoureuses
et confie tes lèvres repues de la chaleur de la vie
aux caresses de mes lèvres amoureuses.
Le vent nous emporteraLe vent nous emportera....
Le temps nous emporta.
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