• Histoires de famille

    Le plus jeune de mes frères, qui habite dans la campagne poitevine, était chez mes parents ce week-end. Lorsqu'il vient, c'est toujours l'occasion de nous retrouver autour d'un repas familial. Une tablée un peu moins longue que d'habitude, cette fois. Ma soeur a rompu les ponts il y a quelque mois, mon premier frère n'avait pas ses enfants (week-end sans), mon fils aîné n'a pu venir (l'âge arrive où ils ont autre chose à faire que d'aller chez les grands parents). Mais c'est tout de même un chaud plaisir que de nous retrouver autour de la table.

    Mes frères sont des types formidables. Mon jeune frère, c'est celui qui construit sa maison en paille. Pour autant, il reste pragmatique, et a laissé tomber les toilettes sèches, trop de boulot, pas pratique. Ecolo oui, mais pas fanatique quand même. S'il vit dans une maison en paille, et se chauffe au bois, ses enfants savent se servir de jeux vidéos et d'un téléphone portable. Mais avec mesure et raison. Mon frère et sa femme vivent leur vie rêvée. Un petit village, campagne, bois et rivière. Et puis d'autres couples qui vivent comme eux, ils se retrouvent autour de l'école le matin, pour emmener les enfants et puis prendre un café chez l'un ou l'autre ensuite, partager les corvées de bois, se donner un coup de main quand il faut. Mais ce n'est pas une raison pour vivre de façon recluse et reculée. Pas de télé ? la radio, internet. Mon frère est veilleur de nuit dans un hôtel de la banlieue de Poitiers. Ca lui laisse ses journées pour s'occuper de ses animaux, mais aussi être présent pour ses enfants, sans stress, même si le rythme n'est pas forcément evident. Ma belle-soeur l'accompagne, indépendante et solide, cela fait plaisir de voir un couple dont on sent qu'il va durer.

    Mon autre frère vient de comprendre qu'être bien, être heureux, ça va de pair avec un certain égoïsme. Non pas celui qui coupe les liens avec autrui, mais celui qui permet de se sauvegarder, de ne pas prendre sur ses épaules et dans son coeur tous les problèmes des autres. C'est l'égoïsme qui permet un jour de se sauver soi-même, quand on ne peut plus toujours sauver les autres d'eux-mêmes. Et même si je regrette (mauvais égoïsme) l'oreille autrefois présente, je suis heureuse de constater qu'il est enfin serein.

    Quand à moi... je tends de plus en plus à tenter de m'effacer, de ne pas laisser de traces. Je garde le lieu où je vis toujours net, presque sans signe de moi. J'essaie de ne rien accumuler, pour ne rien laisser. Je voudrais me défaire peu à peu des livres que je ne lis plus, je n'achète plus les assiettes que par une, je conserve mes cartes postales anciennes car elles ne prennent pas de place, ce ne sont, seront que des traces discrètes de ma présence. Virtualité éphémère du blog. Dès ma naissance, j'ai été élevée au sein d'une famille prenant beaucoup de place, frères et soeurs de ma mère, si souvent présents, parfois trop, et puis mes frères et soeur ensuite, tous satellites de la même constellation familiale, même dans les mauvais temps des déchirements parentaux. Je ne vis pas très bien la pourtant normale séparation de la fratrie devenue adulte. Cela ajouté aux secousses de ma vie, je me trouve bien insignifiante, inutile. A un moment donné j'ai tout eu, mari, enfants, chien, chat, poissons rouges, cage à oiseaux, maison, jardin. Normes ; étais. Rails, sécurité. Je ne suis pas à la rue, j'ai un boulot et des amis, je ne me plains pas, je me pose simplement des questions sur les ronds que nous laissons dans l'eau. L'humeur un peu triste des lendemains familiaux.


  • Commentaires

    1
    Tom
    Mardi 3 Mai 2011 à 11:50
    Ce serait dommage, que tu ne laisses pas de trace ! D'ailleurs, c'est d'ores et déjà raté, vu celle, indélébile, que tu imprimes dans le coeur des gens qui t'aiment.

    Je te souhaite de trouver à ton tour la sérénité que tu es heureuse de voir chez tes frères -tu es bien placée pour savoir qu'être totalement dans la norme n'en est pas une garantie ; j'espère que les éléments qui contribuent maintenant à ta sécurité d'esprit (un boulot qui te convient mieux, dans un service dont l'ambiance te convient elle aussi mieux, le retour à des lieux connus) contribueront aussi à t'autoriser à exprimer sans ambages, remords ni scrupules les aspects moins normés de ta personnalité.

    A bientôt,

    Des bises,

    Tom
    2
    Feuilles_d_Acanthe Profil de Feuilles_d_Acanthe
    Mercredi 4 Mai 2011 à 21:07
    Merci Thomas !
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    3
    Tonax
    Jeudi 5 Mai 2011 à 00:38
    Ce que qu'écrit Thomas me fait penser à la remarque de René Char sur les traces " Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves. "

    Sinon, plus prosaiquement, je ne saurais que t'encourager à ne pas t'embarrasser de toutes ces affaires qu'on traîne à la longue comme des fardeaux ou comme des preuves trop lourdes et inutiles de notre existence.
    4
    Feuilles_d_Acanthe Profil de Feuilles_d_Acanthe
    Dimanche 8 Mai 2011 à 22:00
    Belle citation.
    Je viens de lire un truc sur la décroissance volontaire, consommer autrement, etc... je suis aussi un peu dans ça. Accumuler, pour qui, pourquoi ?
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